ECOFOLIO/ECO-EMBALLAGES : Une fusion qui rebat les cartes de la concurrence.
Après son avis « 16-A-27 » du 27/12/2016 concernant l’ouverture de la filière de traitement des déchets d'emballages ménagers à plusieurs éco-organismes, l’Autorité de la concurrence, ce 4 avril 2017, a dit oui au projet de fusion entre les éco-organismes financiers de deux filières REP distinctes : celle des papiers et celle des emballages. Un oui… sous conditions(1).
Cela fait déjà 10 ans que papiers et emballages ménagers font « poubelle commune » sur la majeure partie du territoire (72% des collectes(2)). Simplification administrative, mutualisation des compétences et de la logistique, réduction des coûts de fonctionnement, autant d’arguments qui plaident en faveur du mariage Ecofolio/Eco-Emballages. D’aucuns soulignent les avantages pour l’amélioration du taux de recyclage et l’efficacité de l’ensemble de ces filières.
Pour autant, à l’heure où un nouvel éco-organisme candidate à l’agrément de la filière des emballages, Léko, l’absorption par l’organisme historique, en situation de monopole depuis 1992, de l’organisme de la filière des papiers pose la question des conditions de la future concurrence. Outre les limites dans lesquelles cette concurrence pourra réellement s’exercer (cf. notre article paru en mars dans Emballages Magazine, « Une concurrence sous conditions ») et que l’Autorité de la concurrence (AdlC) pointait déjà dans l’avis précité, cette fusion assure à ce nouveau « super éco-organisme » financier Eco-Emballages/Adelphe/Ecofolio une position largement dominante dans ces filières. Bientôt à la tête de plus de 750 millions d’euros d’éco-contributions versés par les metteurs en marché (en 2015, Eco-Emballages représentait 671 millions d’euros de contribution pour 22 188 adhérents, Ecofolio 79,1 millions pour 10 928 adhérents), un effectif salarié total de plus de 250 personnes(3) et en situation quasi-monopolistique dans leur filière respective, il apparaît évident que la tâche sera rude pour tout nouvel entrant ou candidat potentiel à l’agrément dans l’une ou l’autre de ces filières. En conséquence, l’Autorité a donné son accord à la fusion mais impose en contrepartie aux protagonistes de s’engager à mettre à disposition des futurs candidats les informations nécessaires à leur demande d’agrément. Une mesure qui figurait déjà parmi les recommandations de l’avis précité, et proposait que les données quantitatives détenues par Eco-Emballages, notamment les données publiques, soient disponibles via l’ADEME.
Reste que cette fusion concerne les éco-organismes et non les filières de déchets. Il y aura donc toujours deux filières distinctes, une pour les emballages ménagers, une pour les papiers graphiques. Une autre obligation contraindra donc les deux éco-organismes, celle de ne pas faire d’offres liées sur les déchets d’emballage et de papier aux collectivités.
On le voit, l’union d’Ecofolio avec Eco-Emballages transforme singulièrement la donne pour les futurs concurrents. Certes, les mesures d’engagement imposées aux deux éco-organismes, qui bientôt n’en feront plus qu’un, devraient préserver l’exercice d’une concurrence loyale. Mais elle sera très limitée du fait de la puissance financière et technique de ce nouvel éco-organisme, même si un mécanisme d’équilibrage financier entre éco-organismes, dont la gouvernance relèverait des pouvoirs publics, est prévu et encadré conformément aux recommandations de l'AdlC.
La création d’une autorité de régulation indépendante avec des pouvoirs de sanction comme nous le préconisions dans notre note sur l’efficience des filière REP « Pour une nouvelle gestion des déchets : repenser les filières REP »(4) devient, dans ce contexte concurrentiel, plus que jamais une nécessité, non seulement pour l’équilibre financier entre les différents acteurs, les éco-organismes et les collectivités, mais également pour le respect des cahiers des charges (CDC).
Avec les modifications actuelles du CDC de la filière des emballages ménagers – dernière mouture en attente de publication – peu à peu semble émerger le portrait-robot de l’« Eco-Organisme idéal » qui pourrait apporter les réponses au système.
Si l’arrivée de la concurrence en 2015 via la mission NEO2017 a permis de faire bouger un dispositif ankylosé, cette réponse d’Eco-Emballages est proche du « coup de maître » et risque fort de changer en profondeur notre dispositif de gestion des déchets.
(1) -Communiqué de presse du 04/04/2017 de l’Autorité de la Concurrence
(2) -Rapport d’activité annuel 2015 d’Eco-Emballages/Adelphe et d’Ecofolio