Pourquoi les hésitations de la taxation à la TGAP des sacs plastiques souples PLF2014 ?
« L'objectif affiché de la Commission européenne est une réduction de 80% de l'usage des sacs à poignées dits "légers" possédant une épaisseur inférieure à 50 microns (cf. projet d’aménagement de la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d'emballage afin d'harmoniser les pratiques au sein des 28 membres de l'UE – Emballages Magazine 5/11/13). Plus de 90% des sacs plastiques mis sur le marché de l'UE rentrent dans cette catégorie. Selon le commissaire européen qui évoque un "nouveau continent fait de déchets" dans les océans, "ces symboles de la société du jetable asphyxient mers et rivières, disséminent des microparticules plastiques dans tout l'environnement et constituent des menaces pour les oiseaux".
Toutefois, d’après nos échanges avec des fabricants d’emballages spécialisés dans la production de sacs plastiques, la mesure visant à interdire l’usage des sacs plastiques à usage unique s’avèrerait contreproductive au regard des effets désirés sur l’environnement.
En effet, lors des premières actions des associations visant à demander aux enseignes de Distribution de supprimer les sacs plastiques aux caisses en 2004, les Distributeurs ont assez largement réagi et supprimé la plupart des sacs de caisse en plastique souple, pour les remplacer par des sacs cabas plus solides et réutilisables.. Il est certain que ces suppressions ont permis de réduire les coûts supportés par ces enseignes (sur les achats de sacs et le montant de la contribution Eco-Emballages correspondante), pour les remplacer par des produits payants plus rentables.
Pour autant, les sacs cabas réutilisables qui les ont remplacés sont-ils réellement plus écologiques ?
Selon l'information prise auprès d'un fabricant, lors de la disparition de ces sacs jetables, il a été constaté les effets pervers majeurs suivants :
- La demande de production de sacs-poubelles a explosé, les consommateurs réutilisant souvent ces sacs jetables pour ce second usage. Ainsi, pour répondre à cette nouvelle demande de sac, certains fabricants se sont tournés vers la fabrication des sacs poubelles nettement plus épais que les sacs de caisse et nécessitant ainsi par nature beaucoup plus de matière plastique.
- Les sacs cabas réutilisables, sont issus de matière plastique composite : un mélange qui le rend non recyclable
- Enfin, ces sacs cabas sont – compte tenu de leur matière et procédé de fabrication - obligatoirement fabriqués hors de la France (la plupart en Asie) où le coût de la main d’œuvre est moindre. D’où une empreinte carbone plus importante pour certains sacs réutilisables en raison du transport.
Enfin, la LFI 2010 projette d’exonérer de la TGAP les sacs de caisse à usage unique fabriqués en matière plastique biodégradables constitués d’un minimum de 40 % de matières végétales en masse et 60% de polymères issus de ressource fossile (pétrolière)
Toutefois, il semblerait que le bilan environnemental de ces sacs biodégradables ne soit pas si positif ; d’où plusieurs amendements au PLF 2014 déposés ces derniers mois : en effet, les députés remettent en cause l’impact environnemental de ces bioplastiques au regard des effets potentiellement néfastes des procédés industriels induits et réclament en revanche une exonération pour les sacs plastiques fabriqués à base de plastique recyclé.
Comme nous le rappelle un fabricant d’emballages plastiques auditionné récemment : « Le plastique souple actuel - film polyéthylène BD et HD- est déjà issu d’un déchet des raffineries (le gaz d'éthyle) qui serait brulé dans l’atmosphère si on ne le transformait pas en naphta. Tous les fabricants sont d'accord sur la transition vers l’après pétrole, mais les recherches en cours ne permettent pas encore de résultats satisfaisants pour opérer cette substitution. Les chercheurs indépendants estiment que nous sommes à 15-20 ans de trouver une matière ayant les mêmes propriétés que le film polyéthylène, à savoir : résistance, étirement, solidité, finesse. Si le PLA est une réussite pour le thermoformage il ne fonctionne pas pour l'extrusion de film BD/HD et n'utilise pas encore assez les déchets végétaux mais de la matière noble ( blé- pommes de terres-betteraves-maïs...). En comparaison, la TGAP sur les sacs PE envisagée revient à prendre la décision de taxer à 400% l'essence afin que les utilisateurs de véhicules passent sur l’électrique alors que le marché de l’automobile électrique et les centrales correspondantes ne sont pas encore au point.»
Ainsi, même s’il est indéniable que les sacs plastiques retrouvés dans la nature et les océans sont des facteurs de pollution qu’il faut endiguer, pour autant les supprimer pour les remplacer par d’autres contenants aux impacts encore pires que ceux qu’on souhaitaient éviter n’est sans doute pas la bonne solution. Certes, l’ADEME avait réalisé des études confirmant que le bilan environnemental des sacs réutilisables étaient dans tous les cas meilleurs que l’utilisation de sacs jetables. Pour autant, le périmètre pris en compte pour réaliser ces études était-il suffisant ? Ont-elles intégré le changement de comportement des consommateurs qui en l’absence de sacs plastiques jetables ont reporté une partie de leurs achats sur les sacs poubelles ? On voit ici toute la difficulté engendrée par le manque d’homogénéité des critères dans les outils de type ACV et @Bilan Carbone (bilan GES),
Si les amendements déposés par les sénateurs sur le sujet en octobre 2013 ont été refusés (voir l'article : Projet d’amendement TGAP Sacs plastiques au 1er Janvier 2014 ), pour autant il semblerait que le Gouvernement envisage de reporter la taxation à la TGAP des sacs plastiques (initialement prévu au 1er/01/2014 par le PLF2010), dans l’attente d’une étude d’impact approfondie prenant en compte tous les critères et effets pervers néfastes selon une information publiée par Emballage Magazine le 13/12/2013. Sage décision au demeurant. Affaire à suivre…. »
Auteure : Christèle Chancrin – Expert Eco-contributions & Réduction Emballages.
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